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Extrait

     J’ignorais si Natalia Smiths aimait s’écouter parler ou bien si elle était simplement douée pour attirer l’attention sur elle. Robin, armé de sa caméra, la filmait pour embêter les policiers et s’assurer qu’ils se concentrent sur eux. Je me glissai hors de la vanne, trouvant l’angle-mort des policiers pour me frayer un chemin parmi les branches, jusqu’au muret.

     Je trouvai rapidement les bons appuis pour l’escalader, mais fus un peu moins agile avec la descente, m’écorchant légèrement la paume sur l’une des pierres. Je grognai d’agacement, mais m’immobilisai quelques secondes, le temps d’être certaines que les policiers n’avaient pas remarqué ma présence.

     Sous le couvert des arbres, je me frayai un chemin jusqu’à la maison. Les policiers étaient toujours de l’autre côté de la clôture, occupés avec Natalia. Je fis de mon mieux pour éviter d’apparaître dans leur champ de vision, si jamais ils décidaient de regarder en direction de la maison. J’ignorais combien de temps elle pourrait les distraire avant qu’ils décident de s’approcher pour investiguer. 

     J’observai la maison plus attentivement. La carcasse d’une voiture accumulait la rouille devant le garage à la porte à moitié arrachée. Plusieurs fenêtres étaient barricadées ou fracassées. La peinture blanche qui couvrait la maison était écaillée par endroits. La porte d’entrée ne m’apparaissait pas comme une bonne option, niveau discrétion, alors je fis le tour, à la recherche d’une autre entrée pour me frayer un chemin à l’intérieur.

     Plus à l’arrière, l’une des fenêtres qui n’était pas bloquée avait été fracassée de l’extérieur. Je risquai un coup d’œil à l’intérieur, distinguant ce qui ressemblait à un salon. Le silence qui régnait dans la maison était assourdissant. Je me hissai dans la pièce. Mes bottes écrasèrent des éclats de vitre.

     Je fouillai dans mon sac en bandoulière et accrochai la caméra autour de mon cou, puis sortis mon enregistreuse. Je l’activai et la rangeai dans la poche de mon veston. Même si nous étions le matin, il faisait trop sombre à l’intérieur de la maison pour que je puisse distinguer parfaitement les alentours.

     — Merde, ma lampe de poche…, m’énervai-je en réalisant que je l’avais laissée dans ma voiture.

     Je savais déjà que la qualité des photos serait limitée sans éclairage. Mon appareil avait un flash, mais ce serait difficile de distinguer quoi que ce soit. Sans réels espoirs, j’appuyai sur l’interrupteur, mais il y avait un moment qu’il n’y avait plus d’électricité dans cette maison. 

     Faisant de mon mieux pour distinguer quelque chose dans la pénombre, je scrutai la pièce dans laquelle je me trouvais, fouillant quelques tiroirs. Je trouvai un paquet d’allumettes et, peu de temps après, un chandelier. J’allumai la chandelle. Ce n’était pas l’idéal, et ça me serait pratiquement inutile pour prendre des photos efficacement, mais au moins je n’avais pas besoin d’avancer à l’aveuglette. Je rangeai les allumettes dans mes poches et commençai à explorer le salon, narrant ce que je voyais dans mon enregistreuse.

     — Des traces de pas sont visibles en bas de la fenêtre du salon. Des bottes qui ont traîné dans la boue. Masculines, à en juger par la largeur des traces. Les marques s’estompent en se dirigeant vers l’extérieur de la pièce, mais les portes sont fermées. Je n’ai pas de boue sous mes bottes, donc ça doit remonter au moins à quelques jours. 

     J’essayai de me souvenir à quand remontait la dernière averse, sans parvenir à être certaine. 

     — Il y a beaucoup de poussière un peu partout, indiquant que personne ne vit ici depuis un moment déjà.

     Une bourrasque entra dans la maison, passant près d’éteindre ma chandelle. Je bloquai le courant d’air et sursautai en entendant la chaise berçante percuter le mur près de la cheminée. Elle continua de se bercer vivement quelques secondes, avant de ralentir la cadence. 

     — Maison vide, mais qui donne la chair de poule, grognai-je.  Dans le salon, il y a un canapé, une table basse, un secrétaire, la chaise berçante qu’on entend grincer. Le papier peint est défraîchi et arraché par endroits, probablement parce que les propriétaires en avaient marre des fleurs sur fond rose. Il y a aussi une cheminée avec... un portrait de famille. 

     Je m’approchai pour l’éclairer. Avec les vêtements que portaient les gens sur la photo, je déduisis qu’elle remontait à une trentaine d’années. Cinq personnes y étaient. Un homme, une femme, dans la trentaine, et trois enfants, âgés entre environ 10 et 15 ans. Deux garçons et une fille. L’un des garçons était un peu plus vieux, mais c’était difficile de savoir qui des deux autres était le plus jeune. Tous les cinq avaient les cheveux noirs. 

     Je fis de mon mieux pour décrire la photo à voix haute avant de prendre un cliché. Je poussai un juron lorsque le vent fit de nouveau bouger la chaise berçante. Maudissant la maison, je bougeai la chaise de quelques centimètres pour éviter qu’elle se frappe contre le mur et me donne une crise cardiaque. Déjà que la poussière commençait à me donner une de ces migraines… 

     Secouant la tête, je continuai de narrer, prenant quelques clichés de la pièce avant de me diriger  vers les portes françaises donnant accès au reste de la maison. 

     Un corridor étroit longeait l’escalier menant à l’étage. Des portes étaient ouvertes, d’autres fermées. Je commençai par me diriger vers la gauche, continuant d’être à l’arrière de la maison pour éviter de courir le risque de tomber sur les policiers. Le vent à travers les fenêtres créait un sifflement constant qui ne faisait qu’accentuer la pression que je ressentais au niveau de mon front. 

     D’autres photos étaient accrochées au mur. Des portraits de famille, pris devant la maison. En longeant le corridor, c’était comme si je pouvais les voir grandir à travers les années séparant les clichés. Jusqu’à ce qu’une photo montre le père, la mère et l’un des garçons seulement, laissant le vide raconter l’histoire pour eux.

     Je photographiai les portraits, me disant que ça pourrait être utile pour en découvrir davantage sur les propriétaires.

     — Il y a encore des effets personnels dans la maison, dis-je dans mon enregistreuse. Ça laisse présager que la famille n’a pas eu le temps de prendre ses possessions avant de quitter la maison… ou qu’elle n’est jamais partie.

     Cette pensée me secoua d’un frisson. 

     — Pourquoi est-ce que je dis ça quand je sais que ça va seulement me foutre la trouille, me décourageai-je. 

     Je trouvai la salle de bain et un placard à balai. Rien de bien palpitant à part la moisissure accumulée avec les années. Je m’immobilisai au pied de l’escalier montant à l’étage et pris un cliché. Je sursautai, passant à deux doigts d’échapper ma chandelle. Le flash avait découpé une silhouette à l’étage! 

     — B-bonjour? balbutiai-je.

     Aucune réponse. Aucun bruit, sinon celui de ma propre respiration. Sur mes gardes, je photographiai à nouveau l’étage. Il y avait bien une silhouette en haut de l’escalier, mais un deuxième coup d’œil me permit de comprendre qu’il s’agissait d’un mannequin de couture. La femme était peut-être couturière?

     — Il y a un mannequin à l’étage, et je crois que ça me suffit comme raison pour rester au rez-de-chaussée, annonçai-je dans mon magnétophone.

     J’inspirai profondément pour me ressaisir, ayant de plus en plus de mal à supporter mon mal de tête. Je me dirigeai vers la cuisine, mais l’odeur m’obligea à me couvrir le visage. Un chaudron au couvercle fermé reposait sur le comptoir. Je n’osai même pas l’ouvrir, par crainte de voir l’état de pourriture avancée de ce qui se trouvait à l’intérieur.

     Les planches qui bloquaient les fenêtres laissaient filtrer un peu plus de lumière dans cette pièce, pour le meilleur et pour le pire. J’aperçus quelques coquerelles qui fuyèrent la flamme de ma chandelle à mon approche, m’arrachant un frisson de dégoût.

     Une porte menait vers le garage. Je l’entrouvris, confirmant que c’était impossible pour les policiers devant la maison de me voir si je sortais par là. C’était davantage un atelier qu’un lieu pour entreposer une voiture, alors plusieurs outils étaient accrochés au mur de façon minutieuse, contrastant étrangement avec le reste de la maison. Les clous fixés au mur m’indiquèrent qu’un objet manquait à l’appel. Une hache, peut-être?

     Sans trouver quoi que ce soit de bien intéressant, je retournai à l’intérieur. Je me dirigeai plutôt vers la salle à manger, heureuse de m’éloigner de l’odeur de pourriture, ne serait-ce que légèrement. Il n’y avait rien de bien particulier dans cette pièce, sinon un buffet. Je fouillai les tiroirs à la recherche de quoi que ce soit qui pourrait m’en dire plus sur la famille qui avait vécu dans cette maison. Des factures qui dataient d’une vingtaine d’années, d’autres photos de famille, mais rien de bien particulier. 

     Un bruit provenant de l’étage me fit sursauter, rapidement suivi par un tambourinement dans l’escalier, s’approchant du rez-de-chaussée. Je fus heureuse d’avoir déposé ma chandelle pour fouiller dans le tiroir, sans quoi je l’aurais certainement échappée. Craignant que quelqu’un d’autre soit dans la maison, je me dissimulai partiellement derrière le buffet, attentive. Silence total.  Je fermai le tiroir et repris la chandelle, avançant lentement vers l’escalier. 

     Une sphère reposait sur le sol mais, lorsque j’approchai la lumière, je retins une exclamation d’horreur en constatant qu’il s’agissait d’une tête. Pour rapidement me rassurer en réalisant que c’était la tête du mannequin que j’avais aperçu plus haut. Je tentai de me rassurer, me disant que c’était probablement en raison d’un courant d’air, parce que j’avais laissé la porte du salon ouverte. Le vent commençait à avoir le dos large. 

     — Si j’étais intelligente, je foutrais le camp, déclarai-je à l’adresse de l’appareil dans ma poche. Mais j’ai l’impression que Natalia va me faire revenir ici en pleine nuit si je n’ai pas assez d’informations, et je préfère nettement me retrouver ici le jour. 

     Légèrement détendue (mais à peine), je commençai à grimper dans l’escalier pour visiter l’étage. Même si je me doutais que j’étais seule dans la maison, je veillai à monter sur la pointe des pieds pour éviter de faire du bruit. La troisième marche avant la fin de l’escalier craqua bruyamment sous mon poids, me faisant grincer des dents. 

     Je fus autant rassurée de constater que le mannequin en haut des marches était tombé que j’étais inquiète de savoir ce qui l’avait fait tomber pour commencer. Il y avait quatre portes à l’étage, toutes ouvertes à l’exception de l’avant-dernière. 

     La salle de bain était plutôt ordinaire, alors je poursuivis mon avancée. Je pouvais sentir la stagnance dans l’air, ajoutant au picotement dans ma gorge et à mon mal de tête, qui me donnait l’impression qu’on enfonçait des aiguilles dans mes yeux pour atteindre mon cerveau. Je m’appuyai au mur, fermant les yeux pour me ressaisir. 

     Ça ne m’aidait probablement en rien de me trouver dans un endroit aussi lugubre. 

     Lorsque je passai à côté de la porte fermée, je testai la poignée. Elle n’était pas verrouillée, mais quelque chose dans la pièce m’empêchait de l’ouvrir. Dans l’embrasure, je jetai un coup d’oeil à l’intérieur, aidée par la flamme de ma chandelle. Des marques lacéraient les murs. Comme si quelqu’un avait été enfermé là-dedans et avait cherché à gratter une sortie. Un frisson me parcourut l’échine à cette pensée. Rassemblant mon courage, je pris une photo et fermai la porte. Je sentais mon coeur battre dans ma gorge.

     Malgré ma peur grandissante, je poursuivis mon exploration pour tomber sur ce qui devait être la chambre des maîtres. D’autres photos de famille décoraient les murs, mais quelque chose d’autre attira mon regard sur la maquilleuse. Des coupures de journaux, remontant à une quinzaine d’années. Je les rangeai dans mon sac, préférant les étudier à la lumière plutôt qu’à la flamme d’une chandelle.

     Mon cœur rata un battement lorsque j’entendis un bruit dans le corridor, ressemblant à des bruits de pas, mais il y avait aussi autre chose. Un frottement. Quelque chose de lourd qui traînait au sol.  Combattant la panique, j’éteignis la chandelle et m’empressai de me cacher sous le lit. Je plaquai une main sur mon visage pour tenter de couvrir le bruit de ma respiration, gardant ma bouche fermée. 

     Les pas se rapprochèrent, lents et lourds, sans que le frottement cesse. Je demeurai parfaitement immobile tandis que quelqu’un entrait dans la chambre, contournant le lit pour s’approcher de la maquilleuse. Mes yeux s’étaient habitués à la pénombre de l’endroit, je sentis mon sang se figer dans mes veines en remarquant l’objet qui traînait au sol: une hache. La lame était rouillée et le manche un peu moisi, mais je ne doutais pas de la létalité de l’objet. 

     Ça ne pouvait pas être mon imagination. Il y avait réellement un homme avec moi dans cette maison délabrée. Savait-il que j’étais là? Sûrement. Ce n’était pas comme si j’avais été discrète! Malgré moi, je commençai à retenir mon souffle. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’il m’agrippe par les chevilles et me tire de sous le lit comme dans n’importe quel film d’horreur. J’allais me faire décapiter par sa hache.

     Contre toute attente, l’homme quitta la chambre, traînant toujours sa hache derrière lui. J’expirai doucement, comptant les pas, attendant qu’ils se soient suffisamment éloignés pour que ce soit sécuritaire de partir. Je ne me détendis que lorsque j’entendis la marche craquer dans l’escalier. Je roulai hors du lit et récupérai ma chandelle, la gardant éteinte. 

     J’agrippai le tabouret de la maquilleuse, prête à m’en servir pour me défendre en cas de danger, et m’approchai du corridor pour y jeter un coup d’oeil. Il était complètement désert. 

     J’allais prendre la direction de la sortie, mais quelque chose attira mon regard. Une corde, reliée au plafond. Un accès au grenier? J’appuyai ma tête contre le mur, essayant de combattre l’idée stupide qui germait lentement dans mon esprit. Je n’avais pas le choix. Il fallait que j’aille voir. Que je jette un petit coup d’oeil. Peut-être qu’il n’y avait rien et que ça me prendrait seulement quelques secondes. Ou peut-être qu’il y aurait des réponses. 

     Me préparant à attraper l’échelle, je tirai sur la corde. Je laissai l’échelle atteindre doucement le sol avant de la monter rapidement et de la ramener, fermant la trappe derrière moi. J’attendis de reprendre mon souffle avant d’agripper une allumette pour éclairer mon entourage. J’allumai la chandelle et laissai la flamme m’aider à distinguer ce qui se trouvait dans le grenier. 

     On aurait dit un débarras. Des objets de toutes sortes. Un jersey de l’équipe de football de Dormarsh, un ours en peluche, une caméra, un livre de chimie, un album photo, un porte-clés de chat. Des boîtes et des boîtes s’empilaient le long de murs, avec le bric-à-brac d’objets qui traînaient un peu partout. 

     Je m’approchai de la caméra. C’était un modèle professionnel, similaire à celui utilisé par le Channel 9. Il n’était pas récent, mais il n’avait pas plus de cinq ans. Intriguée, j’essayai de l’allumer, me demandant s’il y avait quoi que ce soit d’intéressant sur la cassette. 

     Je rembobinai et attendis une minute avant de faire jouer la vidéo. Le caméraman filmait un homme muni d’un micro, se tenant dans le même salon par lequel j’étais entrée. Je n’avais pas ce qu’il fallait pour écouter ce qu’il disait, mais je devinais qu’il parlait de la maison. Il fit le tour du salon avant de s’approcher de la cheminée, ayant remarqué quelque chose. Il tira sur quelque chose et un passage s’ouvrit au fond de l’âtre. Un tunnel, descendant sous terre. 

     Le journaliste descendit en premier, suivi de près par le caméraman. Contrairement à moi, ils avaient pensé à prendre une lampe de poche avec eux. L’échelle s’arrêtait au bout de quelques mètres, s’ouvrant sur un corridor taillé dans la pierre. Le caméraman filmait partout autour de lui dans des mouvements frénétiques, suivant le journaliste qui semblait parler pour expliquer des choses. Au bout d’un moment, toutefois, le journaliste avait disparu. La caméra tourna d’un côté et de l’autre, probablement parce que le caméraman cherchait son collègue. 

     Il continua dans les tunnels et, en tournant un coin, sursauta. Son collègue lui faisait dos, immobile. Le caméraman hésita quelques secondes avant de tendre une main vers lui, l’obligeant à se retourner. Je retins un cri de justesse en apercevant le crochet qu’il avait de planté dans la gorge, le sang qui coulait de la blessure et son visage tordu dans un rictus horrifié. La caméra tomba au sol et j’aperçus le caméraman qui chuta rapidement à côté. La dernière image que je vis avant que l’enregistrement s’arrête fut une hache à la lame ensanglantée. 

     Je fermai la caméra pour tenter de me calmer. Étais-je coincée dans la même maison que ce meurtrier? Si la caméra se trouvait ici, est-ce que ça voulait dire que tous les objets autour de moi appartenaient à ses victimes? Était-ce possible? 

     Je me pris la tête entre les mains, le temps de me ressaisir. Ça ne me servait à rien de paniquer. En supposant que je sois vraiment dans la même maison qu’un tueur, il fallait que je garde mon sang froid. La police était dehors. Les détectives allaient le trouver. Si j’arrivais à sortir de l’endroit en un morceau, là, je pourrais m’affoler. En attendant, ça ne ferait que précipiter ma mort. 

     Je fis de mon mieux pour prendre des photos des effets personnels rassemblés dans la maison. S’ils étaient liés à des disparitions, ça permettrait peut-être de les résoudre et de mieux comprendre ce qui s’était passé. J’ouvris ensuite le port de cassette pour la prendre avec moi. C’était une preuve assez phénoménale des atrocités qui s’étaient déroulées ici. J’eus un peu de mal à la sortir de la caméra, mais j’y parvins, priant n’importe quel dieu pour qu’elle ne soit pas abîmée de façon irrécupérable. Je l’enfouis dans mon sac et tendis l’oreille pour écouter les mouvements sous moi. 

     J’entendis à nouveau les bruits de pas. J’éteignis ma chandelle et, retenant l’échelle du mieux que je pus, je créais une embrasure dans la trappe du grenier. L’homme à la hache montait l’escalier, son arme cognant chaque contremarche dans son ascension. Il contourna le mannequin et longea le corridor, sans sembler me remarquer, puis s’immobilisa devant la chambre à la porte fermée. Il entra sans le moindre effort. 

     Avais-je imaginé la barricade? Ou bien était-ce lui qui l’avait mis là, pour la retirer par la suite? Je n’entendis aucune porte s’ouvrir ou se fermer. Pourtant, elle m’apparaissait bien fermée d’où j’étais. Tant pis. Il fallait que je foute le camp avant de finir comme ces journalistes. Rassemblant mon courage, je fis descendre l’échelle le plus doucement possible et descendis, longeant le mur opposé à celui derrière lequel l’homme se cachait. 

     Si je pouvais atteindre l’escalier, je pouvais commencer à courir. De toute façon, l’escalier craquait tellement que la subtilité ne serait plus une option, à ce point. Respirant lentement pour limiter mon bruit, tenant mon centre de gravité plus près du sol, j’avançai le plus rapidement possible, surveillant attentivement la porte. Elle était belle et bien fermée. Je secouai la tête. 

     Pas maintenant, Meaghan. Contente-toi de survivre. 

     Dès que je fus en haut des marches, je m’élançai vers la sortie, sans prendre la peine de regarder derrière moi. J’avais la certitude que j’étais suivie. La panique amplifiait ma migraine, qui devenait insoutenable. 

Je fermai la porte derrière moi une fois au salon, prête à foncer vers l’extérieur. Mon regard s’arrêta un instant vers la cheminée. J’aperçus le levier donnant accès au sous-sol. Je secouai la tête et me jetai dehors. Faisant de mon mieux pour longer les arbres et passer inaperçue, je grimpai par-dessus le muret de pierre et parvins à regagner la fourgonnette du Channel 9. 

     Natalia avait arrêté d’embêter les policiers en leur parlant directement, mais ils semblaient particulièrement agacés par son reportage qui s’éternisait, tandis qu’elle spéculait sur les événements. Je remarquai également les véhicules de d’autres stations de Dormarsh. 

     Ma patronne m’aperçut et s’empressa de conclure sa tirade. J’eus le temps de reprendre mon souffle lorsqu’elle et Robin me rejoignirent à l’intérieur. Natalia m’observa de la tête aux pieds. 

     — Tu es sale, nota-t-elle. 

     — La maison est… semblait abandonnée, déclarai-je. Y avait de la poussière partout. Désolée.

     — Oui, oui, ce n’est pas important, lança Natalia tandis que mon collègue démarrait. As-tu trouvé quoi que ce soit d’intéressant? 

     — Je vais devoir développer mes photos et faire des recherches pour prouver mon hypothèse, mais je crois qu’il y a eu des meurtres dans cette maison. Plusieurs meurtres. 

     — Ah? s’étonna la patronne avec les yeux pétillants d’excitation. Qu’est-ce qui te fait croire ça? 

     Pour lui répondre, je pris la caméra de Robin et retirai la cassette pour y insérer la mienne. Je reculai l’enregistrement, mais lorsque j’appuyai pour le faire jouer, je n’eus aucune image. Je soupirai de découragement, appuyant ma tête contre le siège passager, au bord de la crise de nerfs. 

     — Évidemment que ça ne fonctionne pas, m’énervai-je. 

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